La Quinzaine littéraire a posé trois questions à quinze "jeunes" écrivains français sur leur rapport à l'œuvre de Nathalie Sarraute.

Les questions étaient :

1 - Quels sont les livres de Nathalie Sarraute qui vous ont le plus marqué ?
2 - Dans quel contexte avez-vous découvert son œuvre (scolaire, universitaire ou autre) ?
3 - Estimez-vous que la lecture de Nathalie Sarraute a influencé votre propre travail d'écrivain ?

Voici la réponse donnée par Éric Chevillard.

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Voilà : seule Nathalie Sarraute aurait su capter, démêler, enregistrer, formuler ces impressions de pensées qui se sont bousculées d'abord dans ma tête, à la lecture de votre questionnaire, puis très vite fondues en un même brouillard que Nathalie Sarraute seule, donc, aurait su couper avec son fin couteau, découper, détailler, décongestionnant ainsi mon cerveau soudain gonflé, fourmillant, comme d'un brusque accès de sang, à la lecture de votre questionnaire, elle seule très délicatement et minutieusement désigner et nommer les éléments de ce précipité sidérant, lourd pour le crâne comme une migraine. Choqué encore, par ailleurs dépourvu de ces instruments dont elle disposait, si affûtés et tranchants que le plan de travail du microchirurgien auprès du sien paraît encombré de massues, je ne parviens à démêler que ceci — en vrac et simultanément  : un hommage à Sarraute, oui, c'est bien normal, une corbeille de fruits d'or, pourquoi pas en croquer un moi aussi, on aurait pu compter sur son indulgence, le voici mon livre favori, Les Fruits d'or, hé hé on me demande mon avis, c'est donc que je compte un peu tout de même, malgré la mévente, l'influence de Sarraute en revanche je ne peux malheureusement pas m'en targuer, lue trop tard, les jeux étaient faits... "Écrivain difficile", ont répété à l'envi les journalistes de télévision : le plus bel hommage funèbre que puisse prononcer la bêtise.

Éric Chevillard